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Un film Joshua Bonnetta

Le don de recevoir de l’avenir des signaux visuels ou sonores se transmettait autrefois de génération en génération chez les peuples des Hébrides Extérieures au large de l’Écosse. Entre 2017 et 2019, l’artiste canadien Joshua Bonnetta s’est attaché à explorer les paysages et à recueillir l’histoire orale de ce génie visionnaire. Comme dans son précédent long-métrage conçu avec J.P. Sniadecki dans le désert de Sonora, El Mar La Mar (Cinéma du Réel 2017), le travail de collecte ethnographique fabrique un monde sensoriel peuplé de fantômes : histoires de villages engloutis, de baleines échouées, de proches disparus, de chevaux noyés, de chants gaëliques et de voix messagères d’évènements intimes ou collectifs. Projet empreint de matérialisme historique mais non moins profondément formaliste, si l’on se souvient que l’avant-garde nord-américaine a fameusement reçu de P. Adams Sitney le qualificatif de visionnaire ; et que Bonnetta n’est pas moins cinéaste qu’acousticien. Car les deux visions évoquées par le titre sont celles d’un film où images et sons suivent leur propre cours, tout en formant des présages agissant les uns sur les autres en un jeu d’anticipations, d’échos et d’unisson. Tantôt en alerte, tantôt dans la torpeur, le spectateur est enveloppé dans un monde aussi vivide qu’irréel ; a « thin place », comme l’appelle une femme dont le beau chant consolateur agite la mer d’ondulations discrètes, à la frontière inframince du ciel et de la terre, de la prescience et de la mémoire.
(A.T.)

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